En tout cas, deux mois après l’entrée au gouvernement du principal pourfendeur du régime, Tiébilé Dramé, le Parena, est sur la sellette. Le parti du Bélier est en effet accusé d’entretenir un flou artistique sur sa position, pardon de ne pas suffisamment clarifier son ancrage dans la majorité en n’officialisant pas son divorce avec l’Opposition. Peut-on garder ses amitiés contestatrices avec le Chef de file de l’opposition et servir loyalement dans le gouvernement de la majorité ? Pour le Chef de file de l’Opposition, Tiébilé Dramé et Oumar H Dicko sont bien au gouvernement en tant qu’opposants. C’est du moins, ce qu’il laisse entendre lors de son interview le 8 mai sur RFI quand il dit : « si on regarde la composition du gouvernement, qui n’a que deux personnes vraiment de l’opposition dans un gouvernement de 38, je pense que ce n’est pas un vrai partage de responsabilité comme je le souhaitais ».
Donc en d’autres termes, Tiéblé Drame et Hamadoun Dicko sont et restent bien des opposants dans le gouvernement au nom d’un partage de gâteau, si léonin soit-il.
Cette posture de Tiébilé Dramé, comme celle de Hamadou H Dicko ou Housseini A Guindo, est-elle compatible avec les principes et normes démocratiques au Mali ?
Interrogé par notre confrère de la Nouvelle Patrie, le secrétaire général du Parena, Djiguiba Keïta dit PPR, en voulant clarifier la position de son parti, en rajoute à la confusion.
Il affirme : « dans les classifications livresques, un parti qui est dans le gouvernement appartient ipso facto à la majorité. Mais le propre des gouvernements d’union nationale ou de mission, c’est que les partis gardent leur obédience d’origine. C’est pourquoi le Parena bien que dans le gouvernement ne fait pas partie de EPM ».
En effet, contrairement à ce qu’affirme le secrétaire général du Parena, il ne s’agit pas que de théories livresques. La norme est clairement édictée par loi N° 2015-007 du 4 mars 2015 portant Statut de l’Opposition politique ne République du Mali qui définit l’« opposition » et ses rapports avec le gouvernement.
Selon cette loi, toujours en vigueur au Mali, « constitue l’Opposition politique, tout parti politique ou groupement de partis politiques qui ne participe pas au gouvernement ou ne soutient pas l’action gouvernementale. Elle est parlementaire ou extraparlementaire » (article 2).
Si « partis politiques de l’Opposition politique peuvent être consultés sur les grandes préoccupations nationales sur lesquelles ils se prononcent » (article 7), « tout parti politique appartenant à l’Opposition politique peut soutenir l’action gouvernementale ou participer au gouvernement.
Dans ce cas, il perd d’office sa qualité́ de parti politique de l’Opposition politique et fait une déclaration publique » (article 6 du Statut de l’Opposition politique).
Face à la clarté des dispositions légales, le « Oui, mais… » du Parena, pose un réel problème de sémantique. Parce qu’on ne recourt à la pratique qu’en l’absence de normes légales claires. Or, même dans ce cas, le prétexte brandi est loin d’être opérant. En effet, si on parle de « gouvernement de mission » en ce moment et de « gouvernement de large ouverture » à un autre, à aucun moment, à notre connaissance, il ne s’est agi de « gouvernement d’union nationale » comme le tente de justifier le Parena en violation de la loi.
Si l’Accord politique de gouvernance n’impose pas au Parena (à la CODEM, et au PSP) de rejoindre armes et bagages à l’Alliance Ensemble pour le Mali (EPM), parce que la majorité est-on désormais plurielle, la loi lui imposait et continue de lui imposer de faire « une déclaration publique » de son retrait de l’opposition. Or, suivant la déclaration du secrétaire général du Parena, doit-on déduire que puisqu’il se considère dans gouvernement d’union nationale, et que dans un « gouvernement d’union nationale ou de mission, c’est que les partis gardent leur obédience d’origine. C’est pourquoi le Parena, bien que dans le gouvernement… » reste dans l’Opposition ?
Djiguiba Keïta ne le dit pas. Mais son parti, tout comme les autres, gagnerait à se conformer avec la loi en faisant une déclaration publique de leur retrait de l’opposition. Question de sincérité et de loyauté ! À moins qu’il y ait des clauses secrètes dans l’Accord politique de gouvernance qui permettent au Parena et aux autres de violer la loi en ayant un pied dans le gouvernement et un autre dans l’Opposition.
Par Bertin DAKOUO
Info Matin